MOYE (74) 28.02.2022

Résumé
Observation à posteriori, dans un lot de photos prises par un astrophotographe, d'un point blanc lumineux dans le ciel profond : observation d’un flash satellitaire, plus précisément un reflet du soleil sur un élément de fusée DELTA.
Description
Le témoin, astronome et astrophotographe amateur, remarque lors d’une séance de tri de photographies réalisées sur 4 jours la présence d’un point blanc lumineux, d’aspect stellaire, sur une seule image d’un lot de 170. Les coordonnées célestes de ce PAN sont déterminées avec précision par le témoin, ainsi que l’heure de prise de vue. Il effectue des recherches afin de tenter d’identifier ce phénomène. Il utilise plusieurs bases de données techniques et plusieurs catalogues célestes. Il contacte également divers groupes spécialisés comme Webastro et Hoys Citizen Science Project ainsi que la société d’astronomie de France et de Touraine, sans obtenir de réponse satisfaisante.
La consistance de ce cas est très bonne grâce à la photographie transmise par le témoin qui permet de localiser très précisément le phénomène, en revanche l’horaire est imprécis en raison du temps de pose de 5 minutes nécessaire pour prendre la photo. L’événement lumineux s’est produit pendant ces 5 minutes mais il est difficile de déterminer l’horaire plus précisément. Le PAN n’a pas été observé à l’œil nu mais uniquement via l’instrumentation , une lunette astronomique équipée d’une caméra dédiée.
La durée d’observation est suffisamment longue pour qu’un nombre important de satellites de faible luminosité orbitent au-dessus du témoin. Le GEIPAN a fait appel au service de surveillance de l’espace du CNES (Centre d’Orbitographie Opérationnelle).
Le GEIPAN a pour habitude de ne prendre que des cas d'observations directes faites à l’œil nu, mais, après réception du questionnaire et des divers éléments, une enquête sera quand même effectuée, car les informations et photos transmises par le témoin correspondent à un phénomène assez classique de PAN, à savoir une réflexion du soleil sur un satellite. Les données sont par ailleurs remarquablement précises et détaillées.
Au vu de la brièveté de l’évènement, deux hypothèses sont retenues au début de l’enquête, un flash satellitaire ou éventuellement un phénomène astronomique de type sursaut gamma. Cette dernière hypothèse consisterait à observer la partie du spectre visible du signal issu du sursaut gamma. La durée de l’observation objet de notre analyse est très courte, trop courte. Cette hypothèse est vite abandonnée.
Le GEIPAN a proposé de soumettre la vidéo à son expert en astronomie mais aucun phénomène astronomique n’est répertorié ce soir-là dans la direction et l’heure d’observation.
L’analyse de la photo permettra de repérer une faible trainée semblant coïncider avec le PAN (voir documents joints).
Concernant l’hypothèse de l’observation d’un flash satellitaire, le GEIPAN, dans un premier temps, a recherché à l’aide de la base de données et de son outil dédié « environnement astronautique » un satellite dont les caractéristiques pourraient correspondre à celles du PAN. Suite au manque de résultat, le service de surveillance de l’espace du CNES est sollicité. Un premier satellite Starlink, qui n’est pas correctement référencé (éléments orbitaux non mis à jour), n’est finalement pas confirmé, après analyse de la trajectoire réelle de ce satellite.
La recherche d’autres candidats dans la plage horaire (durée de temps de pose de l’image) a permis de trouver un autre satellite. Mais ce satellite se trouve dans la zone d’ombre, il n’est pas éclairé par le soleil et ne peut donc pas être visible depuis le lieu d’observation.
Enfin, après une recherche à une altitude beaucoup plus élevée, il s’avère que l’observation correspond très probablement à un reflet du soleil sur un second étage de fusée DELTA. La reconstitution de la trajectoire de la trainée visible sur la photo confirme cette hypothèse. Cet objet orbitait à 20h22’10’’ UTC à une altitude de 6780 km et se trouvait à 0,5° de la direction estimée d’observation pour cet horaire. La marge d’erreur est imputable aux incertitudes liées à l’horaire exact d’apparition du flash, durant le temps de pose de 300 secondes.
Ce cas est classé en catégorie A : observation d’un flash satellitaire, plus précisément reflet du soleil sur un élément de fusée DELTA.
Le traitement de ce cas est le fruit d’un travail collaboratif avec plusieurs expertises menées pour le GEIPAN à la fois par l’Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie (IRAP) et par le service de surveillance de l’espace (Centre d’Orbitographie Opérationnelle) du CNES. Cette étude nous a permis notamment de mettre en évidence un problème de mise à jour dans les applications grand public entre orbite prévue et orbite réelle de satellites venant d’être lancés.